ÉTAPE 2 : SENSIBILISATION

Pourquoi est-ce que ça continue?


L’intimidation se perpétue à cause de nombreux facteurs, tant individuels que sociaux. Il est important de comprendre qu’il s’agit d’un comportement appris - les enfants ne naissent pas en sachant intimider les autres. En partant de ce principe, on comprend alors que cette forme de violence est évitable.

Cela nous amène à poser la question : Quand et comment apprend-on à intimider les autres? La réponse est complexe. On apprend à avoir recours à des manœuvres d’intimidation par divers moyens et dans de nombreux contextes.

L’abus de pouvoir


Nous savons que l’intimidation est liée aux autres formes d’agression qui s’inscrivent sur un continuum et qui se définissent toutes par un abus de pouvoir dans l’intention de dominer une autre personne. Les diverses expériences d’agression ou d’impuissance que certains jeunes vivent peuvent les amener à poser des gestes agressifs envers d’autres personnes.

En tant qu’adultes, nous avons un certain pouvoir sur les jeunes. Évidemment, nous nous efforçons d’exercer ce pouvoir de façon positive en vue d’assurer leur santé et leur bien-être. Dans certains cas, les adultes peuvent malencontreusement compromettre le développement sain d’un enfant dont ils prennent soin en exerçant un contrôle pour répondre à leurs propres besoins au détriment de l’enfant; dans d’autres cas, ce comportement est intentionnel. L’agression faite aux enfants sous toutes ses formes est un exemple extrême de l’abus du pouvoir d’une personne adulte. C’est ce qu’on appelle de « l’adultisme ».

Voici quelques formes courantes d’adultisme :
  • adopter des normes de conduite différentes (« deux poids, deux mesures ») pour les adultes et les enfants (par exemple, un comportement est acceptable chez l’adulte, comme l’affirmation de soi, mais considéré impoli chez l’enfant);
  • prendre des décisions qui touchent la vie des jeunes sans leur en parler, les faire participer ou les consulter;
  • limiter ou éliminer les occasions de discussion et d’expression des jeunes.

Cycle de la violence


Certaines jeunes personnes qui subissent une agression intimident quelqu’un à leur tour parce qu’elles ont appris par expérience et par observation qu’il n’y a que deux façons d’interagir en société : soit tu es la victime, soit tu es l’agresseur. Pour ne pas être impuissants, et possiblement pour ventiler leur colère, ces jeunes essaient de dominer les autres, perpétuant ainsi le cycle de la violence. Un grand nombre choisissent de briser ce cycle en demandant de l’aide ou en faisant le choix de dénoncer toute forme d’agression, y compris l’intimidation.

Les messages culturels – à la maison, à l’école, dans la collectivité et dans la société - perpétuent également le cycle de la violence. Le fait d’associer les différences à la vulnérabilité, à l’infériorité et à la faiblesse est la cause profonde de l’intimidation. Les jeunes seront plus susceptibles d’adopter des comportements agressifs si on leur apprend à interpréter les différences avec hostilité, avec haine et avec peur.

Blâmer la personne intimidée


On perpétue également l’intimidation et le cycle de la violence en « blâmant la victime », en portant notre attention et nos efforts sur la personne qui est intimidée et en l’incitant à modifier ses comportements ou sa façon d’agir (notamment, lorsque les élèves intimidés sont perçus comme étant « différents » ou « bizarres »). Il arrive que nous étiquetions ou jugions la personne intimidée comme étant faible, passive ou vulnérable.

Nous avons encore plus tendance à « blâmer la victime » lorsque les personnes qui sont responsables des actes d’intimidation jouissent d’un statut social élevé et affirment qu’il ne s’agissait que d’une « blague ». Les témoins, et même les élèves intimidés, vont souvent accepter les justifications de l’élève qui a recours à l'intimidation pour se protéger.

L’intimidation et toutes les formes d’agression sont un abus de pouvoir avec l’intention de faire du mal. Ces comportements sous toutes leurs formes et dans tous les cas sont inacceptables. La personne qui a recours à l’intimidation est toujours responsable de son comportement; on ne peut jamais justifier un acte d’intimidation. Personne ne mérite d’être intimidé.

Dénoncer la loi du silence


Un des plus gros obstacles nous empêchant de mettre fin à l’intimidation – et à toutes les formes d’agression – est le secret. Les personnes qui intimident les autres forcent leurs cibles et les témoins à garder le secret en leur faisant des menaces de représailles explicites si elles brisent la « loi du silence ».

C’est l’une des principales raisons qui expliquent pourquoi très peu d’élèves révèlent qu’elles ou ils sont intimidés ou sont témoins d’intimidation. Malheureusement, cela permet à l’intimidation de s’enraciner et aux sentiments de peur, de honte et de culpabilité de s’implanter.

Question d’éthique : « en parler » et la culture des ados


La peur d’être étiqueté comme « un rat » est très grande à l’adolescence. Il est bien de rappeler aux élèves que les personnes ayant recours à l’intimidation peuvent sembler vraiment puissantes, mais que les personnes, jeunes et moins jeunes, qui dénoncent ces actes, sont plus nombreuses. On peut encourager les jeunes à se regrouper avec d’autres jeunes qui leur ressemblent plutôt que de s’attendre à ce que les personnes qui sont craintives prennent position individuellement contre l’intimidation.

La clé est d’assurer aux élèves intimidés et à celles et ceux qui sont témoins d’intimidation l’accès à de l’aide fiable et concrète de la part d’adultes.

« Être porte-panier » OU « en parler »? La culture des enfants


Les pairs – et parfois même les adultes – disent aux élèves plus jeunes de ne pas être des « porte-paniers ». Les définitions suivantes permettront aux élèves et aux adultes de considérer les diverses façons de réagir dans une situation d’intimidation :

Être « porte-panier »

Parler des gestes posés par une personne dans le but de lui causer des problèmes.

OU

« En parler »

Parler des gestes posés par une personne pour obtenir de l’aide si ces gestes visent à faire mal à une autre personne ou à lui enlever son droit d’être en sécurité, forte et libre.

Le dire en toute sécurité


Il est important de reconnaître et de souligner les risques que prennent les jeunes qui décident de dénoncer une situation d’intimidation – qu’ils intimident les autres ou soient la cible ou les témoins d’intimidation. Pour créer un climat propice aux déclarations, il est essentiel de respecter la confidentialité et l’anonymat des élèves (dans la mesure du possible).

C’est en écartant le voile du secret qui permet à l’intimidation de s’enraciner et de prospérer que nous commencerons à briser le cycle de la violence. Un moyen clé d’y arriver est d’assurer que les élèves puissent en parler aux adultes en toute sécurité.